Le film

Afin de permettre au spectateur de pénétrer
au coeur du processus d’élaboration d’une oeuvre cinématographique
Occitanie films réalise
un site sur le court métrage de fiction
de Emma BENESTAN

Voir un extrait du film

Synopsis : C’est l’été, le Sud. Tous les jours, Sarah, seize ans, vend des beignets avec son père sur les plages. Un soir, elle fait la rencontre de Baptiste.

Réalisé par Emma BENESTAN, 25 min, 2014
Production / 10:15 ! Productions – Fase films

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Entre les plans

Le tournage de Belle Gueule s’est déroulé du 24 août au 1er septembre 2014 à la Grande Motte et à Palavas (Hérault). Le film est essentiellement tourné en extérieur. Il y a une faible profondeur de champ dans les scènes sur la plage et celles tournées à la fête foraine, ce qui signifie que la zone de netteté dans l’image est petite. Ce type de composition n’est pas forcément une volonté de réalisation au départ. Partant d’une contrainte technique, l’esthétique du film change, le cadre se resserre.
Alexandre Liebert revient avec la réalisatrice sur ces questions en utilisant sa pratique de l’animation. Initié par Occitanie films, Entre les plans  interroge les partis pris esthétiques et techniques de la création cinématographique.

Site d’Alexandre Liebert : https://www.alexandreliebert.com/

Documents de travail

Scénario

Plan de travail

Découpage d’une séquence

Note d’intention musicale
de l’auteur

Note d’intention musicale
de la compositrice

Sur le tournage

La réalisatrice

Emma Benestan

Née à Montpellier, Emma Benestan grandit dans le sud de la France. Après avoir intégré la Fémis en 2012, en département montage, elle se tourne vers l’écriture et réalise trois courts métrages, Toucher l’horizonBelle gueule et Goût bacon, sélectionnés dans différents festivals. En parallèle, elle anime des ateliers vidéo avec des adolescents, notamment avec l’association Mille visages. Ces ateliers nourrissent son écriture.

 

Emma Benestan présente son film à des élèves du lycée Jean Monnet de Montpellier.

La comédienne

Oulaya Amamra

Portrait de la comédienne paru dans la revue du court métrage Bref

Bref n°121, printemps-été-2017

Le site de la revue du court métrage Bref : https://www.brefcinema.com

Le court métrage Belle Gueule d’Emma Benestan
est présenté au 2ème trimestre de l’année scolaire 2017/2018
en avant programme du film
Fatima de Philippe Faucon
dans le dispositif Lycéens et Apprentis au cinéma en Région Occitanie.

Analyse comparative

Belle Gueule et Fatima

proposée par Caroline San Martin

Thèmes et réflexions

Le casting

Pour Belle Gueule, Emma Benestan a eu recours à un casting mélangeant comédiens professionnels et amateurs : ni les amis de Sarah ni ceux de Baptiste ne sont des acteurs confirmés, ni le patron des vendeurs qui n’est autre que le véritable propriétaire des « beignets loulou ». La réalisatrice s’inscrit ainsi dans une certaine tradition du cinéma engagé : on se souvient de Renoir bien sûr et de Bresson ainsi que des différents courants cinématographiques d’après-guerre (néoréalisme et nouvelle vague notamment), mais aussi des pratiques du nouvel Hollywood et en particulier de celles de Cassavetes. On pense enfin, plus récemment, à des cinéastes comme Bruno Dumont ou Abdellatif Kechiche pour qui Emma Benestan a été monteuse sur La Vie d’Adèle (2013). Ce casting fait également appel à une pratique récurrente. La réalisatrice travaille régulièrement en ateliers avec des adolescents dans des classes de collège et de lycée ou dans des structures associatives comme en atteste son court métrage Goût bacon (2017).
On retrouve le même mélange au casting chez Philippe Faucon. Dans Fatima, Soria Zeroual, qui joue le rôle titre, n’est pas comédienne au moment où elle est approchée pour le film. Tout comme le personnage, elle ne parle pas très bien français. Pour le cinéaste, cette non-maîtrise de la langue est nécessaire, car elle ne peut pas être feinte. Si elle est jouée, elle sonne forcément faux. Pour autant, le réalisateur précise qu’il a fallu que Soria Zeroual réalise un vrai travail d’actrice. De la même manière que l’écriture des personnages des films d’Emma Benestan ne se restreint jamais leurs origines, Fatima ne se réduit pas à la connaissance d’un milieu social, elle est bien plus complexe. Cette complexité empêche également de renfermer les deux films dans un genre.

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Le titre renvoie à un personnage
Souvent catégorisés comme des films sociaux précisément en raison de leur casting – certains critiques allant jusqu’à qualifier ce cinéma de naturaliste – Belle Gueule et Fatima n’en retrouvent pas toujours l’esthétique attendue : des jeux de lumière dans le palais des glaces ou lors de la soirée pour le court métrage et l’absence de caméra épaule ou si peu dans le long. Les plans sont fixes et ils durent. Si bien que dans la filiation générique, la mise en scène ne suit pas. Tout comme Belle gueule, Fatima ne traite pas d’une condition sociale généralisée à une communauté ; le film, c’est un personnage. Et cette nuance qui passe par le titre a son importance.
Dans un entretien à propos de Rosetta, les frères Dardenne reviennent sur le choix de leur titre. « Le titre, c’est un prénom. Le prénom doit faire le film * ». Cette phrase, aux allures de maxime, pourrait également s’appliquer ici. Dans Fatima, les choix de mise en scène – cette fixité de la caméra, ces échelles de plan qui laissent une respiration dans l’image et ce positionnement pour un montage transparent qui s’inscrit dans la durée – sont tous induits par le personnage. A la manière de Rosetta qui peut dicter sa frénésie à la caméra portée, c’est ici la présence paisible et la patience de Fatima qui se retrouvent à la fois dans la stabilité du cadre et dans la durée des plans, comme si sa capacité à toujours prendre le temps de l’écoute se traduisait dans le temps que le spectateur doit prendre pour la voir.
Dans Belle Gueule, c’est à Baptiste que le titre renvoie. Il a lui aussi une capacité d’apaisement. Alors que la caméra est souvent mobile pour suivre les déplacements de Sarah, cette dernière se stabilise dès lors que le jeune homme apparaît. Son rôle consiste à renforcer la présence de la jeune femme par opposition. Ce phénomène résonne fortement dans le dialogue qui oppose les deux personnages à la fin du film. Alors que la caméra accompagne le départ brusque de Sarah, Baptiste la rattrape. Les deux acteurs se retrouvent nez à nez quand la jeune fille lui propose de perpétuer un mouvement : « Vas-y pars ! », lui lâche-t-elle. Non seulement Baptiste lui répond qu’il choisit de rester en s’immobilisant mais il lui demande d’arrêter de fuir. Et cette requête trouve un écho dans la mise en scène : il stoppe à la fois le mouvement de Sarah et celui de la caméra. Il est donc toujours en lien avec le personnage principal et avec la mise en scène, et permet de replacer Sarah doublement au centre : physiquement, dans le cadre et dramatiquement, dans le récit.

 

Des opposants pour faire apparaître le problème du film
Baptiste, c’est l’adjuvant, c’est celui qui aide le héros dans sa quête mais il est aussi et surtout l’objet de la quête de Sarah. Dans ce film, chaque personnage tient un double rôle. Pour comprendre ce fonctionnement, il nous faut revenir un instant à Fatima.
Dans Fatima, la quête a également son importance. Elle n’est pas incarnée par un personnage comme dans Belle Gueule, elle se matérialise dans une action : il s’agit de l’apprentissage de la langue. Pour autant le problème du personnage n’est pas vraiment un problème d’intégration sociale, il est plus fondamental : la non-maîtrise du français l’empêche de communiquer avec ses filles. Le personnage s’adresse à ses enfants en arabe et Souad, interprétée par Kenza Noah Aïche, le lui reproche. La non-maîtrise de la langue matérialise ainsi le fossé générationnel, le rendant audible à l’écran.
On retrouve le même déplacement dans Belle gueule. Certes, la critique sociale est présente mais c’est avant tout un problème plus universel que la réalisatrice décrit : la honte de soi à l’adolescence. En ce sens, le rôle de Souad résonne avec celui de Sarah, car Sarah, elle aussi, a besoin d’un opposant mais cet opposant, c’est elle-même. Partageant le même problème dramatique (la honte de leurs origines), elles deviennent toutes les deux des antagonistes. Sarah se met toute seule dans une situation pouvant la conduire à échouer dans sa quête : elle ment continuellement au risque de perdre Baptiste. Toute la trajectoire du personnage consiste à arrêter de jouer un double jeu – d’ailleurs, le fait de mentir lui permet précisément de tenir plusieurs rôles – pour remplir la fonction qu’elle doit tenir dans le récit : celle de l’héroïne. Comme Baptiste qui est à la fois objet de la quête et adjuvant, Sarah est à la fois l’héroïne et l’opposant. Dans Fatima, Souad incarne elle aussi clairement un antagoniste. Non seulement elle parle une autre langue (celle des textos et d’internet), mais elle défie sa mère lui rappelant continuellement ses faiblesses. La fonction de ce rôle endossé par ces deux adolescentes est double : il se révèle être un obstacle à la quête du héros tout en faisant apparaître son problème.

Un personnage secondaire en miroir
Le rôle de Nesrine interprétée par Zita Hanrot est différent. Même si cette dernière a complètement assimilé le français, elle rejoue à son propre niveau la quête de sa mère. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le film s’ouvre sur les deux femmes partageant le même cadre. Et c’est précisément là, à travers la construction du réseau des personnages que les deux films diffèrent. On pourrait considérer que du point de vue de l’écriture, le court et le long métrage suivent des trajectoires contraires : chez Emma Benestan, il faut tenir le personnage principal et éviter que ce dernier remplisse une autre fonction que la sienne, chez Philippe Faucon, il faut redoubler le personnage principal avec un personnage secondaire.
Fatima est à l’image de ce plan d’ouverture : toujours au premier plan, la mère de Nesrine reste floue. Voici donc sa trajectoire : elle va devoir apprendre à devenir nette ! Le film se fait l’histoire de cette affirmation dans le récit et à l’écran. Si, dans le cadre, c’est la profondeur de champ qui permet l’intégration du personnage ; du point de vue de l’histoire, c’est la langue qui rend possible une forme d’affirmation de soi. Cette trajectoire est double, car c’est aussi celle de Nesrine. Dans un tout autre contexte, la jeune femme va devoir apprendre une autre langue – la médecine. Les deux personnages suivent une piste parallèle – la fille va à l’université, sa mère prend des cours de français. Nesrine bénéficie, tout comme Fatima, d’un antagoniste qui se trouve également au sein de sa propre famille – son père. Elle rejoue ainsi dans l’intrigue secondaire les dilemmes de l’intrigue principale et permet d’en faire ressortir les enjeux. Si l’issue des deux intrigues est différente, la réussite de l’une résonne dans celle de l’autre : les deux personnages arrivent à maîtriser une langue qui leur était étrangère et cette nouvelle expertise leur permet de s’inscrire dans une communauté dont elles étaient a priori exclues.

Des figures de style
L’ouverture de Fatima peut par conséquent être interprétée comme l’image du film. Celle de Belle Gueule tient dans un détail qui se situe dans la seconde séquence : les boucles d’oreille que Sarah a achetées chez H&M pour deux euros seulement alors qu’elles en paraissent le double. Elle prend d’ailleurs soin de les remettre avant de rejoindre Baptiste pour la soirée dans la villa. Si ce travail sur la métonymie se trouve au cœur du film d’Emma Benestan, il semble qu’une autre figure de style se soit glissée dans Fatima : il s’agit de la métaphore. Cette dernière concerne le choix des études de médecine. Ce choix ne se sert pas uniquement l’incarnation de l’idée d’une réussite sociale, il permet de consolider la construction en miroir entre les situations que vivent la mère et la fille. « Cette inscription dans une réalité familière est si puissante, si assurée qu’on pourrait ignorer la portée poétique de cette séquence [le cours magistral à l’université de médecine], le lien que le cinéaste tisse entre cet enseignement scientifique de la genèse d’un être humain et la gestation d’une société nouvelle qui fera une place, volens nolens, aux derniers venus** ».
Si le casting pouvait lier en apparence les deux films, une étude plus approfondie du récit et de la mise en scène permet de mettre en avant d’autres résonances plus importantes comme le refus de se laisser enfermer dans un genre, le rôle des personnages et la révélation du problème. Une analyse rend aussi possible le fait de mettre en avant des écarts dans les partis pris d’écriture et de réalisation permettant d’affirmer qu’au cinéma il n’y a jamais de différence entre ce dont un film parle et la façon dont il le fait.

 

* Luc Dardenne, propos recueillis par Michèle Halberstadt pour le service général de l’audiovisuel et des multimédias du Ministère de la Communauté Française de Belgique.
** Thomas Sotinel, « “Fatima”, une héroïne invisible », Le Monde, 21 février 2017.

 

 

Rédaction : Caroline San Martin
Caroline San Martin docteure en études cinématographiques, enseignante-chercheuse à l’université Paul Valéry Montpellier 3 jusqu’en 2017, elle est actuellement responsable de la recherche à La Fémis.

Elle a rédigé le petit carnet autour du film Belle Gueule.

Télécharger le petit carnet

Séquence pédagogique

proposée par Caroline San Martin

Ce projet a été réalisé grâce au soutien
de la Direction Régionale des Affaires Culturelles Occitanie,
de la Région Occitanie,
et les coordinateurs régionaux du dispositif Lycéens et Apprentis au Cinéma,
l’ACREAMP et le Festival Cinéma d’Alès – Itinérances.

Merci à Emma Benestan et à 10:15! Productions pour leur confiance.

 

Coordination du projet
Valentine Pignet, Occitanie films

Avec la participation de
Amélie Boulard, Pôle Régional d’Education Artistique aux images, Occitanie films
Karim Ghiyati, directeur d’Occitanie films